Les Temps emboités

– 2 juin 2025 à l’Abbaye de Noirlac (18)
– 2 mai 2025 au Théâtre de La Poudrerie à Sevran (93)

Photo : Feng Shan

Un cycle de pièces vocales pour enfants,
pour se rendre sensible et mieux comprendre
le fonctionnement de la partie habitable de la Terre,
que les scientifiques nomment la « Zone critique ».

Une composition de Jean-Pierre Seyvos co-fabriquée avec les enfants et le saxophoniste et créateur sonore Olivier Duperron.

S-composition est en résidence à l’Abbayde de Noirlac (18)
et y a créé une nouvelle version de  « A l’écoute de la Zone critique » pour enfants.

Avec la classe de CE2 de Florence Salmon à l’école des Buissonnets de Saint-Amand-Montrond :

Qu’est-ce que la « zone critique » ?

C’est la mince pellicule de la planète qui constitue la partie habitable de la Terre. Elle va des roches mères situées à la base du sol jusqu’à la basse atmosphère, et elle est fabriquée par l’action de tout le vivant. Quelques kilomètres vers le haut et vers le bas…

Cette pellicule, très réactive, est interconnectée : l’eau, les gaz de l’atmosphère, les minéraux qui constituent les roches, de multiples organismes vivants, interagissent les uns avec les autres et façonnent ce « monde » dans lequel nous évoluons.

Cette zone a été nommée « critique » par les scientifiques qui l’étudient car elle l’est pour l’ensemble du vivant dont nous faisons partie intégrante ; critique, de plus en plus pour nous qui y vivons, cultivons, bâtissons. C’est cette zone qui concentre notre ressource en eau, celle qui nourrit le vivant et où s’organisent les écosystèmes. Mais les conditions favorables qui permettent à l’ensemble des vivants d’y habiter ne sont pas préexistantes… Ce sont les vivants qui co-fabriquent leurs propres « conditions d’habitabilité » !

Mieux le comprendre et le ressentir nous permettrait sans doute d’être plus attentif aux équilibres délicats que le maintien de cette habitabilité requiert.

Changement de monde

Selon la thèse du philosophe Bruno Latour, nous sommes arrivés à une nouvelle époque de changement de représentation du monde, comparable à celle que les révolutions coperniciennes et galiléennes provoquaient à la fin du XVIème siècle.

A cette époque la Terre cessait d’être au centre du monde pour devenir ce globe terrestre qui tourne autour du soleil dans un univers infini. Les grandes découvertes donnaient alors à penser le monde comme n’ayant pas de limite.

Réaliser aujourd’hui que nous vivons en fait dans une mince pellicule à la surface de la Terre, la Zone critique, qui concentre l’ensemble du vivant et dont l’épaisseur ne fait que quelques kilomètres, est un véritable changement de paradigme.

Depuis son développement aux Etats-Unis au début du XXIème siècle, la science de la zone critique se développe dans le monde et se manifeste par le développement de programmes et d’infrastructures de recherche qui prennent la forme d’observatoires (les zones critiques). Ce sont des sortes de plateformes pluridisciplinaires où se retrouvent les scientifiques de plusieurs disciplines, à l’instar du réseau OZCAR (Observatoires de la Zone Critique) coordonné par Jérôme Gaillardet, de l’Institut de Physique du Globe de Paris, avec lequel Jean-Pierre Seyvos travaille depuis plusieurs années et qui a collaboré activement à la conception et au contenu scientifique de ce projet.

Bruno Latour

« (La zone critique) permet de bousculer, finalement de dissoudre, l’idée qu’un territoire serait d’abord une infrastructure matérielle inerte et inhumaine « sur laquelle » serait posée l’action des vivants ou l’intervention tardive des humains. Un territoire, en tous cas une zone critique, c’est en chacun de ses points, le résultat de l’action d’organismes qui ont modelé, modifié, altéré, révolutionné, transformé, amélioré, toujours à l’aveugle, toujours sans en mesurer d’avance les conséquences inattendues, les conditions d’habitabilité de ceux qui, aujourd’hui, y nichent ou qui le parcourent. Le territoire a une structure fibreuse, si l’on peut dire, en forme de flux, il est provisoire, labile, mais, par-dessus tout, composite. L’action multiforme des humains ne rompt pas, malgré les apparences, avec le travail de composition des autres vivants. Les bactéries, les herbes, les taupes, les vers de terre, les châteaux, les usines sont d’une certaine façon de même nature — c’est à dire aussi peu « naturelles » les unes que les autres. » 

Photo : Matheus Bertelli